Nous avons tous ces souvenirs d’histoire ancienne : Rome fondée par les descendants d’Enée et les troyens survivants, l’empereur du Japon, fils du Ciel et, même, la république française fille de la Révolution. Mythologie, mythe ou principe fondateur, ces filiations réelles ou imaginaires constituent souvent le ciment qui soude les briques de la construction collective institutionnelle d’un pays, d’un peuple ou, comme le dit CIORAN [i], d’une civilisation. Cette constatation historique peut être étendue sans trop de difficulté à l’entreprise, même moderne : que seraient Apple sans Steve Jobs, les centres Leclerc sans leur fondateur éponyme, Dassault sans Marcel, Chanel sans Coco, etc… La question est ensuite celle de la survie après le démiurge ! Certains y parviennent sans encombre, d’autres connaissent de vraies difficultés.
De ce point de vue, la création de certaines entreprises peut paraître bien plus prosaïque et éloignée de ces mythes fondateurs. Quoique, à bien y regarder, les entreprises de réseau (RTE, RFF, Grt-Gaz, Erdf, etc.) sont les enfants naturels des directives européennes. C’est l’ouverture des marchés de l’énergie ou du ferroviaire et la mise en concurrence des acteurs qui ont poussé à leur création comme entreprises indépendantes investies d’une mission de service public. Le mythe fondateur est-il en déclin ? Très franchement je ne le crois pas. Même si la construction européenne est un long chemin semé d’embûches, elle se fera et je ne vois pas de retour en arrière sur ces marchés. Il n’y a donc pas de place pour le doute, n’en déplaise à Emil Michel CIORAN et elles peuvent continuer leur chemin, fortes de leurs valeurs et sans états d’âme existentiels.