L’anglais est devenu au XXIème siècle la « lingua franca » du monde industriel et commerçant, et étend son hégémonie au monde de la culture et de la diplomatie. Il serait donquichottesque de vouloir s’y opposer notamment dans les contacts et les échanges internationaux (en attendant le mandarin ou l’espagnol pour le XXIIème siècle !). Devons-nous pour autant accélérer le mouvement et abâtardir le français dans l’entreprise en le truffant de termes anglais sans prendre la peine de les traduire ?
Un SOC (security operational center) est-il préférable à un COS (centre opérationnel de sécurité). Un câble ACSS (je ne sais plus le sens britannique du sigle !) vaut-il mieux qu’un câble à faible dilatation (éventuellement « trigrammisé » en CFD) ? Le « benchmark » est-il plus compréhensible que l’inter-comparaison. Le « cashflow » est-il plus parlant que la capacité d’autofinancement (je ne suis d’ailleurs pas sûr que les notions comptables coïncident, mais là n’est pas la question !). Une « newsletter » a-t-elle un meilleur contenu éditorial qu’une lettre électronique ? Une « do-it list » nous donne -t-elle meilleure mémoire qu’un pense-bête ? Un « save-the-date incite-t-il mieux noter le rendez-vous qu’un « retenez dans votre agenda » ou que le néologisme « mémodate » !
On peut se demander ce qui pousse à cette anglicisation à outrance.J’avancerais trois hypothèses :
– la « mode », toujours un peu tintée de snobisme, consistant à faire moderne te branché,
– la manifestation d’adhésion à une tribu, comportement assez courant des experts qui adorent partager le même jargon pour se distinguer du « vulgum pecus »,
– la facilité et le conformisme parce que l’usage répété de ces termes conditionne nos réflexes linguistiques.
Nous pouvons résister ! La bonne maîtrise de l’anglais, indispensable à l’international dans nombre de métiers, ne nous oblige pas, ni ne nous condamne, à devoir jargonner en « globish », surtout pour nous faire comprendre de nos collègues francophones. Nos amis québécois, souvent bien meilleurs anglophones que nous, n’en préservent pas moins jalousement le français que leurs ancêtres leur ont légué. Personne n’y perd et bien posséder les subtilités de l’anglais (et il y en a , même dans les emprunts au vocabulaire français) n’exclut nullement le recours aux nuances du français, inégalable en la matière. Et je serais très triste si un jour nous devions appeler nos pylônes des « tours » et nos postes des « sous-stations » par un glissement sémantique anglicisant. Sachons résister aux « addictions » (pardon, aux « assuétudes ») même linguistiques !